Comment fût découvert le Paon du Congo

 

J’ai retrouvé un  article rédigé par le Docteur Joachim STEINBACHER ornithologue allemand (Bonn) (né en 1911 et  décédé en 2005) …

ce dernier raconte comment  fut découvert en 1937 un nouvel oiseau dans la brousse congolaise par le Docteur Jame Paul Chapin. Je suis persuadé que les amateurs de faisans et de Paons vont dévorés ces quelques lignes… Bonne lecture !

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Tête de jeune Paon du Congo (Afropavo Congensis)  Décembre  1937

Voici l’aventureuse et pourtant très moderne histoire de la découverte d’un nouveau spécimen d’oiseau : faisan ou paon, dans la forêt vierge de la région septentrionale du Congo. Elle fait suite  à une histoire analogue: la découverte, il y a environ 35 ans auparavant  de l’Okapi, cette mystérieuse parente de la girafe, de la taille du cheval, retirée de l’obscurité de la forêt vierge africaine, pour être présentée à la science et au grand public.
Longtemps avant l’apparition de ces animaux, des parties de leur anatomie furent connues, tombées
entre les mains des blancs par l’entremise des indigènes. Ce fût un morceau de peau d’Okapi attaché
à la ceinture d’un chef de tribu, qui précéda sa découverte.
De longues pennes d’un ornement de tête d’un chef de tribu ont donné des indications utiles.
Dans ces deux cas, extraordinaires à leur époque respective, ce ne fût que la présentation de la peau de l’animal fraîchement abattu qui put lever les derniers doutes des sceptiques.

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Couple de Paons du Congo ( Afropavo Congensis) d’après une aquarelle du peintre animalier Julien Laenen

C’est l’histoire de la plume qui est le pivot de l’histoire, la base de la découverte et finalement le motif d’une expédition de plusieurs milliers de kilomètres pour aller découvrir cet énigmatique oiseau.
Il y a environ 22 années, le savant américain, le Docteur J. P. CHAPIN, rentrait de l’un  de ses voyages
de recherche scientifique et de collection qui, depuis de nombreuses années, l’avaient mené à travers l’immense forêt-vierge du Bassin du Congo.
Ornithologue par excellence, il connaissait mieux que n’importe quel voyageur la vie des oiseaux
de cette contrée de retour à New-York, il se mît à trier le matériel et à faire ses annotations, pour les
éditer en forme de livre. Parmi un grand nombre d’objets, dont il ne put pas encore définir la nature,
se trouvait une plume, qu’il ne parvenait pas à classer. Apparemment, elle ne faisait pas partie d’un oiseau  congolais, du moins pas des espèces connues de lui. Ses collègues les plus versés dans cette matière  n’en purent dire davantage.
Lorsqu’en 1913 il collectionnait dans le territoire nord-est du Congo, près de l’Ituri, cette penne
tombée d’un ornement de tête d’un chef de tribu, lui avait été remise par un indigène. ‘ Tout ce que
les savants américains pouvaient en dire ce fût qu’elle devait appartenir à un oiseau du genre gallinacé, sans être toutefois une poule domestique ou une pintade; d’autres espèces gallinacées n’existaient pas  en Afrique. Il ne parvint donc pas à classer cette plume mystérieuse, qui bientôt tomba un peu dans l’oubli parmi les collections de l’ American Muséum of Natural  History » à New-York.
Ce ne fût qu’en 1937 qu’elle devint le centre de l’intérêt, non seulement du département ornithologique de ce musée, mais de l’ornithologie mondiale….

Dans le courant de cette année le Dr. CHAPIN c’était rendu à Tervueren, près de Bruxelles, où
se trouve un grand Musée consacré aux produits du Congo avec un département spécial de la faune
congolaise. Tout dans ce département lui était connu et familier, et pourtant un jour il découvrit deux oiseaux empaillés  dans une pièce séparée et qui ne semblaient pas y être à leur place.
A première vue ils ressemblaient à des paons, aussi étaient-ils désignés comme tels, ce qui pourtant ne semblait pas être exact pour le savant, puisque les paons sauvages ne vivent qu’au sud-est de l’Asie. A sa question sur la provenance de ces oiseaux, on lui apprît qu’une grande société commerciale du Congo en avait fait don au Musée en 1914. Le soupçon du Docteur Chapin que le dessin de l’aile de l’un de ces oiseaux lui semblait connu, se confirma: c’est sur la plume, rapportée il y avait 24 années de l’Ituri, qu’il l’avait rencontré.
Le hasard lui fournit bientôt la preuve que sa supposition de se trouver devant une oiseau inconnu,
était exacte. Un ami qu’il n’avait plus vu depuis 1911 lui raconta qu’en 1930, alors qu’il se trouvait a sa Mine d’or entre Stanleyville et le Lac Edouard, il avait mangé un oiseau qu’il n’avait jamais rencontré pendant son séjour de 20 ans dans la forêt-vierge du Congo. La description et un croquis de cet animal convainquirent bientôt le Docteur Chapin qu’il s’était sans aucun doute agi de « son » prétendu paon, qu’il avait découvert et qui existait donc en réalité.
Ce fût bien exact : un nouveau spécimen venait d’être découvert. Il se distinguait du paon par sa taille plus petite, l’absence de queue traînante et la différence entre les plumes de la tête.
En outre le plumage chez l’un des oiseaux (le mâle) était noir avec des reflets chatoyants violets et verts. La femelle, brune, avec un dessin ondulant et des points noirs identiques à ceux de la plume que le Dr.CHAPIN avait rapportée du Congo. Dans la description scientifique, le nouvel oiseau fût dénommé: «AFROPAVO CONGENSIS » (Paon africain du Congo) et en un clin d’œil le monde apprit l’histoire de cette découverte. L’intervention de la presse belge s’avéra des plus utiles, car certains résidents du Congo et d’anciens coloniaux en Belgique annoncèrent qu’ils étaient à même de donner sur l’existence de cet oiseau tous les détails souhaités. Même un troisième exemplaire empaillé put être découvert aux environs de Bruxelles.
Un médecin de la mine d’or d’Angumu près de Stanleyville annonçait que certainement cet oiseau
existait dans cette contrée, mais qu’il n’y avait pas de spécialiste pour l’empailler.
Les amis du Dr. CHAPIN lui suggérèrent de faire une expédition à la recherche de cet oiseau
inconnu, afin d’obtenir ainsi de nouvelles preuves de son existence. Il était d’autre part fort possible qu’en raison de sa grande rareté, l’espèce en ait disparu.
La Direction de 1’« American Muséum of Natural  History» n’accorda cependant que deux mois de
congé au Docteur Chapin pour ses recherches. Aussi, était-il indispensable d’organiser soigneusement les préparatifs et de régler le temps disponible au mieux.
Par ordre télégraphique, le Dr. CHAPIN envoya à Angumu un de ses préparateurs indigènes,
gardien dans le grand domaine du Parc National Albert, près du Lac Kivu. Ensuite, il envoya ses bagages, fusils et munitions par bateau à Stanleyville et prit six semaines plus tard l’avion régulier de la Sabena qui, pendant  quatre jours, traversa la Méditerranée et le Grand Désert pour aller le déposer au cœur du Congo. Ce fût pour le savant un événement grandiose et inoubliable que ce voyage au-dessus des forêts vierges et immenses, le large ruban argenté du fleuve avec ses innombrables îlots boisés. Arrivé à Stanleyville il apprit l’agréable nouvelle que 4 paons avaient été abattus et préparés.
Par route d’auto à travers la forêt vierge, il arriva bientôt à la mine d’or d’Angumu. Les chasseurs
Bakumu lui  communiquèrent qu’ils connaissaient bien les « itundu » (ainsi qu’ils nommèrent le paon), mais qu’ils n’avaient réussi à les capturer que très rarement. Ceci provenait sans doute de ce que la  forêt vierge entourant la région de la mine d’or était très éclaircie déjà, ce qui avait amené la fuite de l’oiseau vers d’autres contrées. Il ne vivait que dans la forêt absolument vierge, fuyant même la forêt secondaire dans le voisinage des plantations.
Pour ces raisons le Dr. CHAPIN ne s’arrêta pas à Angumu, mais accepta une invitation à une
toute nouvelle plantation en pleine forêt-vierge, éloignée à peine d’une centaine de mètres de l’habitation du planteur.

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Un chasseur tenant un Paon du Congo abattu par lui, photo Dr Chapin


Un chasseur indigène ( photo ci-dessus)  l’accompagna dans ses courses journalières et ses explorations proches et éloignées. La deuxième jour déjà, ils touchaient à leur but. Ils virent dans la brousse un corps noir se mouvoir;  l’indigène s’avança et tira; mais en battant bruyamment des ailes, un mâle se leva et disparut  bien vite derrière les buissons et les arbres. Bientôt un second oiseau s’envolait à droite et était rapidement hors de vue.
Se basant sur ses expériences de la chasse à la pintade, le Docteur Chapin se décida à employer des chiens qui auraient à suivre les paons, afin de les obliger à se lever dans les arbres. Son chasseur possédait deux chiens qui avaient fait leurs preuves, deux bâtards de chiens indigènes et d’une race européenne indéfinie.
La chance n’abandonna pas le Docteur : au premier jour de la chasse, les chiens dénichèrent deux paons dans le taillis, ils les poursuivaient tellement vite que les chasseurs eurent grande peine à les suivre; bientôt les chiens aboyèrent, on entendit un battement d’ailes et un paon fut se poser sur un arbre, l’indigène tira, l’oiseau alla s’abattre sur le sol et fut apporté par un des chiens avant qu’il ne fut complètement mort.
C’était un jeune mâle, bien en couleur déjà, mais la huppe qui chez l’animal âgé atteint la hauteur Les chasseurs à la recherche du Paon du Congo d’un empan, avec l’aspect d’un blaireau à raser, n’était haute que de quelques centimètres. Ce fut le seul paon abattu en présence du Docteur Chapin .


Son chasseur devait en abattre encore deux, les jours suivants.
Sur les habitudes de ces oiseaux,  le Docteur apprit encore que pendant le jour ils rasent le sol à la
recherche de leur nourriture, et montent par couples- dans les arbres touffus pour y passer la nuit. A ce moment, ils ont coutume de lancer des cris longs et pénétrants, Ce qui leur est très néfaste, car de cette façon ils attirent sur eux l’attention des indigènes, les Pygmées qui vivent là-bas, et qui, ayant noté l’emplacement des arbres dont les cris sont partis, y reviennent à l’aube pour les abattre. Ces cris ressemblent à «Gowé — Gowé» et sont répétés tantôt d’une façon lente, tantôt plus vite. Le Docteur Chapin a pu se convaincre qu’il est possible de les entendre à une centaine de mètres de leur emplacement. Chargé d’un butin de dix pièces préparées, le Docteur quitta le Congo, par la voie de airs, après avoir résolu en moins de deux mois et d’une façon satisfaisante, un problème plutôt difficile. Un nouveau secret avait été arraché au continent noir. Cette prestation du Docteur Chapin, d’avoir achevé cette tâche en un laps de temps aussi restreint, constitue un record, tenant compte surtout des circonstances dans lesquelles il dut l’accomplir. Entreprise sans le romantisme du passé, par contre aussi sans les difficultés des temps passés, et dont il a eu sa grande part  lors de ses explorations avant la guerre de 1914.
Ce sympathique explorateur, qui lors d’un de ses voyages a également visité Berlin, a fait avec succès les démarches nécessaires auprès du Comité du Parc National Albert, pour la protection du petit nombre restant de cet étrange oiseau , le paon Afropavo .

Pour la science cet oiseau est un survivant, une forme archéologique, le prototype des paons des anciennes périodes terrestres, et qui avaient une dispersion beaucoup plus étendue qu’actuellement. Tandis que les paons de l’Asie se sont développés jusqu’à leur forme actuelle, les paons africains ont gardé leur aspect antique au cours de leur existence isolée dans la forêt-vierge du Congo; ils semblent ainsi des vestiges vivants, témoins d’un temps très reculé, alors qu’une ceinture immense de forêt-vierge reliait l’Afrique à l’Asie, permettant ainsi à ces deux parties du monde des échanges de leur faune.

Extrait de la revue des Aviculteurs du Nord de la France de 1942  d’après le rapport original  du  Docteur Joachim STEINBACHER  (1911-2005)  ornithologue allemand.Comment fût découvert le Paon du Congo 4

On peut encore observer des Paons du Congo en captivité au Zoo d’Anvers ( Belgique) , au zoo de San Diégo ( Californie) , zoo de Cologne ( Allemagne).

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